L'ère baroque
Peut-on parler véritablement d'ère baroque ? Le baroque est-il enfermé dans une époque ? Il est évident que non : Dans le domaine de la musique comme dans celui des autres arts ( architecture, sculpture, peinture ) on n'observe pas de 'révolution' artistique telle qu'on a pu l'observer au début du XX° siècle. Cependant on peut grossièrement fixer les limites de l'ère baroque entre le début du XVII° siècle et le milieu du XVIII° siècle.
Le début du XVII° siècle est une époque de profonde mutation dans les mentalités et ceci, dans tous les domaines, aussi bien artistiques que scientifiques, philosophiques ou littéraires. C'est l'époque d'une remise en question du système de pensée qui prévalait tout au long de la Renaissance et qui prend ses racines dans le Moyen-Age. Copernic bouleverse la vision du Monde à la fin du XV° siècle, Galilée le confirme en 1615, déplaçant son centre de la Terre vers le Soleil. L'Univers n'a plus le caractère de fixité et d'immuabilité qu'on lui prétait jusque-là. La pensée aristotélicienne est remise en cause et on verra bientôt apparaitre la pensée 'cartésienne'. Parallèlement, une admiration pour la philosophie grecque antique pousse à redécouvrir les penseurs de cette époque. Ces courants de pensées auront une profonde influence sur tous les domaines de la vie et les arts n'y échappent pas : La liberté observée dans l'inspiration et la réalisation de celle-ci, comparée à rigueur mathématique et logique de l'époque précédente ( rigueur qui ne conduit pas forcément à l'austérité par ailleurs, voir Michel-Ange pour s'en convaincre ) découle de cette mutation de l'esprit.
Bien entendu, comme lors de toute période de transition, les avant-gardistes s'opposent aux contre-revendications des conservateurs qui se font très critiques. Des querelles interminables opposent les deux camps sur des considérations stylistiques pointues. On observe tout de même pendant longtemps et plus particulièrement en musique la cohabition des deux styles : le stile antico et le stile moderno, la prima prattica et la secunda prattica.
Il semble que ce soit en Italie que s'est entamé le premier mouvement de réforme de la musique. En 1605, Monteverdi affirme bien, dans son Cinquième Livre de Madrigaux, qu'il n'a pas suivi les préceptes de l'ancienne école mais ceux de la secunda prattica. Le mouvement s'est amorcé quelques années auparavant avec les recherches de plusieurs compositeurs comme Gesualdo. Cependant, bien que l'écriture madrigalesque soit plus ou moins malmenée par l'apparition de dissonances elle reste contrapuntique à l'image de la prima prattica. Ce n'est qu'avec Monteverdi que le madrigal de la Renaissance va perdre son caractère antique avec l'utilisation de la basse continue, une invention du baroque, et l'apparition de dissonances non préparées. Avec la naissance de l'opéra en 1610 Monteverdi offre au monde une vision totalement différente de la musique ( Des essais d'opéra ont précédé celui de Monteverdi mais les musicologues accordent, à raison, une importance particulière à celui de Monteverdi ). Ce n'est peut-être pas un hasard si cet opéra est intitulé 'Orfeo', dont le chant ravira même Charon, le gardien des Enfers... ainsi que quelques détracteurs de ce style nouveau. Cette 'favola in musica' fait la synthèse de toutes les innovations musicales de l'époque : utilisation de la basse continue, du récitatif, des dissonances, de la tonalité, etc....
L'évolution de la musique baroque se poursuivra tout au long du siècle avec quelques différences entre la musique religieuse et la musique profane. Des différences régionales verront le jour et on pourra parler du style italien ou du style français, etc... L'évolution se fait vers une plus grande importance du texte qui verra donc apparaitre le récitatif 'parlando' par exemple. L'expressivité atteint des sommets avec Jean-Sébastien Bach (1685-1750) qui ne se contentera pas d'illustrer le mot par la musique mais aussi les idées, les concepts, poussant à l'extrème le sous-entendu musical. Au mileu du XVIII° siècle, il semble que les compositeurs soient à cours d'idées, l'inspiration s'essoufle, le style devient plus anecdotique. Il faudra un Mozart et un Haydn pour aborder une nouvelle ère...
© 1997 Lauret Hervé, reproduction autorisée en citant la source. Cet article ne prétend à aucune autorité que ce soit dans le domaine de la musicologie. Il est le résultat de mes lectures et de mon écoute de la musique baroque.